Atelier de Silvère Jarrosson, Vitry-sur-Seine, 2020
Atelier de Silvère Jarrosson, Vitry-sur-Seine, 2020.

Silvère Jarrosson: démarche artistique

Deux projets d’envergure viennent rythmer mon travail en 2021, qui ont été chacun une occasion de me confronter à la très grande dimension, selon deux approches différentes :

  • la réalisation de l’œuvre L.U.C.A. (Last Universal Common Ancestor), longue frise de vingt quatre mètres de long, pour l’exposition Corps en Mouvement à la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière (Paris) ;
  • la création des décors du programme Danser Schubert au XXIe siècle, pour le Ballet de l’Opéra national du Rhin, avec l’aide des ateliers de décor de l’Opéra national du Rhin.

Pour L.U.C.A., j’ai choisi d’affronter la grande dimension en poursuivant mon processus créatif habituel, poussé jusqu’à ses limites. La capacité de la peinture à couler et se mouvoir s’essouffle sur des distances de plusieurs mètres, les formes se délitent à force d’étirement, ou rechignent à être élargies. Je me retrouve alors dans les confins d’un processus et en découvre les limites, parfois inattendues. Persévérer dans un processus de création connu tout en lui imposant des dimensions inhabituelles amène celui-ci à évoluer différemment. De nouvelles formes émergent d’une même méthode, déployée à grand peine sur une étendue gigantesque. Formes et méthodes convergent vers un même délitement, comme à proximité des pôles l’étirement des latitudes polaires trouble notre rapport à l’espace.

Pour les décors du ballet Danser Schubert à l’Opéra du Rhin, j’ai procédé différemment : une œuvre d’abord réalisée à échelle humaine à été reproduite au pinceau sur un très grand format (10 x 5 mètres au total). Ici, c’est la méthode qui change pour garantir que le résultat reste de même nature malgré le changement d’échelle.

La reproduction d’une œuvre au pinceau permet un langage pictural nouveau qu’il me tarde de développer. De fait, mon travail s’est toujours décliné en différentes étapes de création, de plus en plus nombreuses (je pense notamment à l’utilisation de la ponceuse ou de la peinture à l’huile, voir ma série Compositions). La restitution de mes œuvres au pinceau sur d’immenses supports pourrait être une étape supplémentaire et cohérente du procédé par lequel émergent mes œuvres.

Ces projets, menés simultanément au cours de l’année, ont tous les deux posé la difficulté de traduire les mouvements de la peinture sur un très grand format. Les réponses développées pour chacun d’eux me permettent de saisir l’enjeu de futurs projets d’ampleur : la capacité du spectateur à s’immerger, tant physiquement que mentalement, dans mon œuvre. L.U.C.A. était clairement une invitation à s’immerger par le corps : l’exposition s’intitulait Corps en mouvement et permettait aux visiteurs de la Chapelle Saint-Louis de se placer au centre d’un immense cercle de peinture. J’ai vu, au cours des représentations de Danser Schubert, les corps des danseurs du Ballet de l’Opéra du Rhin s’immerger, eux aussi, dans les grands panneaux peints de ma scénographie.

Permettre une expérience physique de la peinture pour le spectateur, c’est en cela que la grande dimension m’intéresse. À suivre.